Système de tarification du carbone au Canada: nos recommandations
Quand le nouveau gouvernement fédéral prit le pouvoir en octobre dernier, il conserva les objectifs insuffisants d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du gouvernement précédent, [1] [2] tout en promettant que le premier ministre et les premiers ministres parviendront à un plan pancanadien dans les 90 jours suivant la COP21 à Paris. Le 3 mars, les premiers ministres rédigèrent la Déclaration de Vancouver sur la Croissance Propre et le Changement Climatique – qui acceptait les principes et le cadre d’un plan visant à satisfaire, voire dépasser les cibles d’émissions actuelles. [3]
Ils s’accordèrent notamment pour utiliser des mécanismes de tarification du carbone dans le but de faciliter la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Un groupe de travail explore actuellement les options et soumettra ses recommandations en Septembre 2016. Leur mise en place est prévue pour début 2017.
Le Canada est cependant une fédération compliquée. Chaque économie provinciale est unique en son genre: certaines sont essentiellement basées sur les ressources naturelles, tandis que d’autres sont isolées géographiquement, certaines étant de taille beaucoup plus importante que d’autres. Il s’ensuit que mettre en place un système exhaustif de tarification du carbone au niveau national sera un défi de taille.
Les négociations interprovinciales sur les coûts et bénéfices de ce plan d’action climatique risquent d’être prises comme raison – ou peut être comme excuse – pour justifier l’intransigeance et une inaction grandissante à réduire les émissions de GES. Pendant ce temps, la menace climatique devient de plus en plus évidente chaque saison et chaque année de perdue augmente le risque d’atteindre des points de retournement irréversibles.
Le temps est venu pour Ottawa et les provinces de travailler ensemble à un plan ambitieux de réduction significative des émissions de GES. Cette responsabilité partagée est importante.
Même si les détails d’un plan pancanadien sur le climat sont encore en cours de discussion, LCC fera pression en faveur d’un tarification du carbone juste et efficace. Ci-dessous, les recommandations que nousconsidérons comme acceptables:
1) La loi nationale doit garantir des objectifs fondés sur la science.
2) Toute politique doit inclure un prix national du carbone à intégrer à l’échelle du pays. Il doit être assez élevé pour induire des changements de comportements. Nous recommandons un prix de 30$/tonne de CO2 équivalent pour 2018, le prix qui est actuellement en vigueur en CB (Colombie-Britannique) et qui sera appliqué en Alberta en 2018. Pour les provinces avec un prix du carbone plus bas, ou en l’absence de prix du carbone, une taxe carbone fédérale devra être mise en place.
3) Pour réduire efficacement les émissions, le prix du carbone doit augmenter de manière significative chaque année. Un accroissement régulier des prix fournit des signaux de marchés prévisibles qui favorisent l’innovation, ce qui permettrait d’atteindre ou de dépasser nos objectifs d’émissions. Nous recommandons au minimum une augmentation annuelle de 10$ par tonne.[4]
4) Le prix devrait s’appliquer à l’économie dans son ensemble et à toutes les émissions de GES, y compris le méthane en amont lié à la production de pétrole et de gaz naturel. Aucun secteur ne devrait être exonéré de taxe. La meilleure façon de s’en assurer est d’appliquer un prix du carbone le plus en amont possible et à nos frontières, par lesquelles les biens entrent dans l’économie canadienne.
5) Un système de tarification du carbone doit être juste pour les générations présentes et futures. Un système de prix carbone doit garantir que les couts et les bénéfices sont répartis de manière équitable. Un dividende direct versé aux ménages protègerait les ménages à revenus faibles et moyens contre des couts plus élevés, et permettrait de renforcer le soutien pour un prix du carbone croissant.
Le système de tarification du carbone devrait être totalement transparent et aussi simple que possible, de sorte qu’il ne puisse pas être “détourné” par des intérêts particuliers. Le plan doit reposer sur une science solide et être validé par des analyses quantitatives. Il devrait inclure une surveillance indépendante, une évaluation et des mécanismes d’ajustement.
6) Les inquiétudes concernant l’impact de la tarification du carbone sur la compétitivité internationale peuvent être adressées à travers l’utilisation d’ajustements aux frontières pour les juridictions avec un prix du carbone similaire. [5]
7) Les subventions à l’industrie des énergies fossiles devraient être éliminées afin de se concentrer sur la transition vers une économie faible en carbone. Des examples de subventions directes sont les amortissements, les allègements fiscaux et les organismes gouvernementaux qui encouragent l’utilisation et le développement des combustibles fossiles. Les subventions directes, aux niveaux fédéral et provincial, sont estimées à 2.9 milliards de $CAN en 2014. [6]
8) Toute tarification du carbone doit être inscrite dans une politique climatique plus large qui inclut des régulations générales (ex: code de construction, normes d’efficacité énergétique, plans d’occupation des sols), des infrastructures vertes, des incitations, des mécanismes financiers (ex: banques vertes et obligations vertes), des emplois de reclassement pour les travailleurs dans le secteur des énergies fossiles et des programmmes d’éducation (ex: comment les choix personnels, incluant la nourriture que nous mangeons, ont un impact sur le climat).
9) Le Canada doit exercer un rôle prépondérant au niveau mondial en matière de lutte contre le changement climatique, en particulier en supportant la sortie des pays en développement des énergies fossiles et en aidant les plus vulnérables à s’adapter aux conditions changeantes.
Traduit par Dr. Corinne Pastoret
Originally published in English May 26, 2016.
[1] La cible est de 30 % en dessous des niveaux de 2005 à l’horizon de 2030
[2] https://cclca.wpengine.com/laser-talk-canadas-current-climate-targets-are-woefully-inadequate/
[3] https://news.gov.bc.ca/files/Vancouver_Declaration_clean_Growth_Climate_Change.pdf
[4] Le modèle économique de Navius Research montre qu’un prix de 100$/tonne en 2030 ne permet pas d’atteindre les obectifs actuels de 524 tM de CO2e en 2030, ce qui suggère qu’un prix du carbone plus
élevé est nécessaire, notamment parce que l’objectif actuel ne permet pas au Canada de faire une contribution juste à l’accord de Paris. Cf la figure 7 dans:
http://ecofiscal.ca/wp-content/uploads/2016/04/Ecofiscal-Commission-Choose-Wisely-Carbon-Pricing-Revenue-Recycling-Report-April-2016.pdf
Le prix suggéré de 30$ par tonne en 2018, avec une hausse annuelle de
10$ par tonne, atteindra 150$ en 2030.
[5] Cf https://cclca.wpengine.com/laser-talks/border-tax-adjustments/
[6] Touchette, Yanick & Whitley, Shelagh. G20 Subsidies to the Oil, Gas and Coal Industries, (2015).
https://www.odi.org/publications/10091-G20-subsidies-oil-gas-coal-production-Canada